The Rooster : l’art de ralentir dans les Cyclades

Antiparos est une île qui se mérite. Un ferry depuis Paros, puis un chemin de terre, et déjà, le bruit s’éloigne. Ici, pas de clubs, pas de luxe tapageur. Seulement une succession de plages désertes, de sentiers côtiers, de champs d’oliviers et de villages aux murs chaulés. Chora, le cœur battant de l’île, vibre au rythme lent des tavernes, des marchands de savon, des enfants qui courent pieds nus.

La plage de Livadia, juste en contrebas de The Rooster, est l’une des plus sauvages. Plus loin, Soros, Faneromeni ou Sifneiko offrent des eaux translucides, bordées de sable blond ou de galets blancs. Certaines ne sont accessibles qu’à pied, d’autres par bateau. On peut y passer des heures, seul, avec la mer. À l’intérieur des terres, des vallées silencieuses accueillent les ânes, les chèvres, les herbes folles. On y trouve aussi la célèbre grotte d’Antiparos, et un peu plus loin, le site archéologique de Despotiko, vestige d’un sanctuaire antique.

L’île n’est pas spectaculaire. Elle est douce, ancienne, presque initiatique. Elle laisse une empreinte que le vent, même violent, n’efface pas.

Seize villas, bâties en pierre locale, semblent avoir poussé à même la colline. Leurs toits végétalisés, terrasses en bois blond et murs aux teintes naturelles se fondent dans le paysage, créant une silhouette douce contre les dunes de Livadia Bay. La philosophie architecturale repose sur l’invisible : disparaître pour laisser place à la lumière, au vent, à l’eau.

Pensées par VOIS Architects, les lignes sobres se conjuguent à une matérialité apaisante : enduits de terre, sols en béton ciré, lin naturel, bois flotté. Les villas déclinent entre une et trois chambres et disposent toutes d’une piscine privée ou d’un bassin de relaxation, de vastes terrasses, d’une cuisine équipée, d’une douche extérieure sculptée dans la roche. À l’intérieur, chaque espace est ouvert sur le paysage, sans jamais l’imposer. Les frontières s’effacent : entre dedans et dehors, entre jour et nuit, entre soi et le monde.

Certaines villas s’ouvrent sur la mer Égée, d’autres sur une vallée minérale où poussent thym, origan, immortelles. Quelques-unes se dressent à flanc de falaise, d’autres s’enfoncent dans les dunes. Toutes offrent la même sensation de refuge. Les jeux d’ombre et de lumière, les matières sourdes, l’absence de technologie visible créent un calme rare. On habite ici le silence plus que l’espace.

Le matin s’éveille lentement. On entend le ressac au loin, le chant matinal des oiseaux, le bruissement des feuilles d’olivier. Le petit-déjeuner, servi dans l’intimité de chaque villa ou à la terrasse du restaurant, décline des produits frais et locaux : pain au levain encore tiède, yaourt de brebis infusé à la lavande, figues mûres, œufs pochés sur légumes confits, infusions de menthe du jardin. Il ne s’agit pas de variété, mais de justesse.

Puis vient la House of Healing, cœur du lieu. Niché dans un bâtiment semi-ouvert entre pierres brutes et patios fleuris, ce sanctuaire bien-être propose une approche holistique rare. Soins ayurvédiques, reiki, réflexologie, Chi Nei Tsang, massages Pinda Sweda aux pochons chauds, soins visage aux huiles biologiques, bains de vapeur, méditation guidée, qi gong, yoga du matin — ici, on ne vient pas pour consommer un soin mais pour s’ancrer. Chaque séance est précédée d’un entretien pour choisir le protocole adapté au besoin du moment, dans une démarche profondément personnalisée. Le pavillon de yoga, suspendu au-dessus de la vallée, accueille les pratiques au lever du soleil ou à la tombée du jour. On y respire l’île, littéralement.

Le chef Simos Triantafyllou, formé à Londres et en Crète, imagine une cuisine inspirée par le vivant. Il travaille main dans la main avec les pêcheurs d’Antiparos, les fermiers de l’île et le potager en permaculture du domaine. La carte change chaque jour, selon la récolte, la pêche et l’humeur des saisons.

À midi, on déguste une salade tiède de haricots verts, un tartare de bar aux herbes, un plat végétarien coloré, un poisson grillé à la braise accompagné de tomates anciennes. Le pain est fait maison, le fromage aussi. L’huile d’olive vient du domaine. Le soir, les assiettes s’habillent de fête. Risotto safrané au crabe, poulpe confit, tajine de légumes anciens, figues rôties au miel de thym. Le tout accompagné de vins naturels grecs, sélectionnés pour leur précision et leur légèreté.

Le service est discret, presque intuitif. On peut choisir de dîner sur la grande terrasse, dans le jardin secret ou même en pique-nique sur la plage privée, les pieds dans le sable. Les repas sont des moments d’écoute, de conversation, d’éveil aussi.

Quand on quitte The Rooster, on emporte autre chose qu’un souvenir. Une manière de se tenir dans le monde, plus lente, plus attentive. Le goût du matin qui dure, la mémoire d’un toucher, le chant du vent sur les volets. Le sentiment d’avoir vécu à hauteur de peau, de souffle, d’horizon. Ce lieu transforme doucement. Il apaise. Il élève.